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Traiter la douleur sans morphine

Hélène Beaudry, doctorante en physiologie, a vu ses travaux de recherche récompensés par l'Acfas, qui lui a remis le prix Bernard-Belleau. Elle est la 1re chercheuse de la Faculté de médecine et des sciences de la santé à recevoir ce prix prestigieux.
Hélène Beaudry, doctorante en physiologie, a vu ses travaux de recherche récompensés par l'Acfas, qui lui a remis le prix Bernard-Belleau. Elle est la 1re chercheuse de la Faculté de médecine et des sciences de la santé à recevoir ce prix prestigieux.
Photo : Robert Dumont

23 octobre 2008

Stéphanie Mongeau

La morphine et ses dérivés sont des drogues efficaces pour traiter la douleur chronique. Mais leurs effets secondaires restent indésirables. Hélène Beaudry, doctorante en physiologie à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, travaille à identifier de nouveaux analgésiques pour remplacer la morphine. Ses travaux de recherche ont été récompensés par l'Association francophone pour le savoir (Acfas), qui lui a remis le prix Bernard-Belleau décerné à un seul doctorant au Québec. La jeune femme a ainsi marqué l'histoire de la Faculté, puisqu'elle a été la toute première à recevoir ce prix prestigieux.

«La douleur chronique atteint le tiers de la population canadienne, soit 10 millions de personnes, affirme la chercheuse, et touche plus les femmes que les hommes», dit Hélène Beaudry, qui poursuit ses recherches avec la jeune équipe du laboratoire du professeur Louis Gendron. Il existe plusieurs catégories de douleur chronique et, malheureusement, cette douleur est souvent sous-diagnostiquée. On retrouve par exemple la douleur inflammatoire, comme l'arthrite, la douleur neuropathique et la douleur chronique cancéreuse.

«La douleur chronique est malheureusement associée à diverses pathologies, affirme Hélène Beaudry. Avec les cas de douleur chronique apparaissent certaines comorbidités : près de 55 % des patients souffriront d'anxiété et 70 % souffriront de dépression. Inévitablement, si la personne doit arrêter des occupations quotidiennes comme travailler et aller faire l'épicerie, son moral et sa qualité de vie sont affectés.»

Effets secondaires indésirables

Pour traiter plusieurs formes de douleur chronique, les composés alcaloïdes demeurent les drogues les plus efficaces. Beaucoup de gens connaissent la morphine, mais peu savent combien ses effets secondaires sont importants. La constipation, la nausée, la sédation, la diminution du rythme respiratoire, la dépendance physique, mais surtout la tolérance se développent lors d'une utilisation prolongée. Il faut donc augmenter la dose du patient après un certain temps, ce qui renforce ainsi certains effets secondaires. «Les effets secondaires des alcaloïdes sont si importants que le tiers des patients traités préfèreraient plutôt arrêter leur traitement, et ainsi souffrir de leur douleur chronique.» Malheureusement, les alcaloïdes demeurent les plus puissants analgésiques connus à ce jour.

Hélène Beaudry travaille à identifier de nouveaux analgésiques, aussi puissants que ceux actuellement disponibles, mais dépourvus d'effets secondaires importants. Les composés alcaloïdes actuellement utilisés, incluant la morphine, ont pour cible le récepteur cellulaire opioïdergique mu (MOPR). Hélène Beaudry s'intéresse au récepteur opioïdergique delta dont les agonistes possèdent une efficacité analgésique comparable à la morphine pour le traitement de la douleur inflammatoire. Des résultats récents montrent d'ailleurs que leur utilisation prolongée n'entraîne pas de tolérance analgésique. Il s'agirait donc probablement d'une alternative intéressante aux analgésiques aujourd'hui utilisés en clinique.

Récipiendaire de la bourse d'études supérieures du Canada Alexander-Graham Bell, Hélène Beaudry s'est également vu offrir une bourse du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Tout en continuant ses recherches, elle rêve de devenir professeure, notamment pour exploiter l'une de ses forces : la communication. «J'ai été d'autant plus touchée d'être honorée par l'Acfas, qui prône le partage des connaissances, car pour moi, transmettre le savoir, c'est très important, dit-elle. C'est notre rôle de partager nos connaissances à la relève, aux chercheurs de demain.»